L'Atelier d'écriture sur Marguerite Duras continue à inspirer...
Aujourd'hui Angela et Donatella nous racontent leur rencontre, à la façon de Duras biensûr.
La rencontre
Ce n'est donc pas par les réseaux sociaux, comme vous
aviez imaginé, qu’elle rencontre l’homme
qui deviendra son mari. C’est à la fin d’un jour de grève des transports, ce soir que je raconte, dans
une ville paralysée.
Dans les embouteillages elle reste coincée dans sa voiture. Elle
regarde le feu, rouge, vert, à
nouveau rouge et après vert. La queue avance très lentement. Un homme frappe au
carreau de sa voiture. Je ne sais pas ce qui m’est arrivé. Par un réflexe de
méfiance un peu absurde, j’ai verrouillé la portière et avancé jusqu’au feu.
L’homme revient à sa hauteur. Elle
croit un instant qu’il va recommencer. Elle voit l’homme monter dans une autre
voiture. Il la regarde avec un sourire ironique. Elle a honte de sa réaction.
Tout d’abord, un peu plus loin, elle accepte un autre autostoppeur. Il se
glisse sur le siège à côté d’elle. Elle
l’observe. Il est grand, plus âgé qu’il ne lui avait d’abord semblé. Elle est aussitôt prise par le parfum de cet
homme, de tabac et de cuir mêlé. Ils roulent un moment sans parler. Elle lui
demande où il va. Il dit qu’il rentre
du bureau. Il habite dans le XVIème, mais il n’est pas pressé. Vous
êtes libre ce soir ? On pourrait
diner ensemble. Elle dit qu’elle est d’accord.
Elle veut cet homme. Elle s’en était aperçue à la seconde où il avait
pris place dans sa voiture, à la seconde où elle avait respiré son odeur.
Maintenant elle sait qu’elle resterait
avec lui. Il parle. Il parle de lui. Elle écoute. La voiture
avance. Elle a décidé. Ils se garent dans une petite rue. Ils montent
ensemble dans un hôtel dont les chambres
sont presque toutes vides.
Tout ce qui avait précédé paraissait soudain n’avoir jamais existé.
Angela
La lumière est sombre. Il la regarde. Il la regarde en essayant d’y entrevoir sa silhouette. Il regarde la place, il regarde la rue, il regarde la baraque à frites : tables, chaises, quelques verres abandonnés, du liquide encore dedans. Il traverse la rue. Il n’y a pas le ciel du Sud. Il y a les nuages froides, le trottoir sale, l’air qui sent les frites.
Mais elle, elle est là, je le sais. Elle, dix-huit
ans, elle est là, dans cette baraque. Elle a les cheveux onctueux, elle a
une livrée à taches de sauce, elle ne me regarde pas. La nuit se lève.
Il prend son courage, s’approche du feu. Rouge. Puis vert,
puis rouge encore, puis vert. Il se tourne. Il attend quelques instants. Il va,
il pose son argent de poche devant la caisse, qu’elle lui prépare un sandwich
jambon, une bière, un café.
Ses mains sont rapides, pendant qu’elle lui prépare son
sandwich, monsieur, voulez-vous du fromage ? c’est toi que je voudrais.
La baraque à frites est silencieuse et moi, j’ai mal à
l’estomac.
Donatella
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