jeudi 7 avril 2016

La rencontre amoureuse (2)

L'Atelier d'écriture sur Marguerite Duras continue à inspirer...

Aujourd'hui Angela et Donatella nous racontent leur rencontre, à la façon de Duras biensûr.

 

La rencontre
Ce n'est  donc pas par les réseaux sociaux, comme vous aviez imaginé, qu’elle rencontre l’homme qui  deviendra son mari. C’est à la fin d’un jour de grève des transports, ce soir que je raconte, dans une ville paralysée.
Dans les embouteillages elle reste coincée dans sa voiture. Elle regarde le feu, rouge, vert, à nouveau rouge et après vert. La queue avance très lentement. Un homme frappe au carreau de sa voiture. Je ne sais pas ce qui m’est arrivé. Par un réflexe de méfiance un peu absurde, j’ai verrouillé la portière et avancé jusqu’au feu. L’homme revient à sa hauteur. Elle croit un instant qu’il va recommencer. Elle voit l’homme monter dans une autre voiture. Il la regarde avec un sourire ironique. Elle a honte de sa réaction. Tout d’abord, un peu plus loin, elle accepte un autre autostoppeur. Il se glisse sur le siège à côté d’elle.  Elle l’observe. Il est grand, plus âgé qu’il ne lui avait d’abord semblé.  Elle est aussitôt prise par le parfum de cet homme, de tabac et de cuir mêlé. Ils roulent un moment sans parler. Elle lui demande où il va. Il dit qu’il rentre du bureau. Il habite dans le XVIème, mais il n’est pas pressé.  Vous êtes  libre ce soir ? On pourrait diner ensemble. Elle dit qu’elle est d’accord.  Elle veut cet homme. Elle s’en était aperçue à la seconde où il avait pris place dans sa voiture, à la seconde où elle avait respiré son odeur. Maintenant elle sait  qu’elle resterait avec lui.  Il parle. Il parle de lui. Elle écoute. La voiture avance. Elle a décidé. Ils se garent dans une petite rue. Ils montent ensemble  dans un hôtel dont les chambres sont presque toutes vides.
Tout ce qui avait précédé paraissait soudain n’avoir jamais existé.
Angela  



La lumière est sombre. Il la regarde. Il la regarde en essayant d’y entrevoir sa silhouette. Il regarde la place, il regarde la rue, il regarde la baraque à frites : tables, chaises, quelques verres abandonnés, du liquide encore dedans. Il traverse la rue. Il n’y a pas le ciel du Sud. Il y a les nuages froides, le trottoir sale, l’air qui sent les frites.

Mais elle, elle est là, je le sais. Elle, dix-huit  ans, elle est là, dans cette baraque. Elle a les cheveux onctueux, elle a une livrée à taches de sauce, elle ne me regarde pas. La nuit se lève.

Il prend son courage, s’approche du feu. Rouge. Puis vert, puis rouge encore, puis vert. Il se tourne. Il attend quelques instants. Il va, il pose son argent de poche devant la caisse, qu’elle lui prépare un sandwich jambon, une bière, un café.

Ses mains sont rapides, pendant qu’elle lui prépare son sandwich, monsieur, voulez-vous du fromage ? c’est toi que je voudrais.

La baraque à frites est silencieuse et moi, j’ai mal à l’estomac.

Donatella

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